[Ceci est un article invité rédigé par Pauline Barbier du blog « Un Cheval L’autre« ]. Je lui laisse la parole.
Depuis une ou deux décennies, l’équitation dite « éthologique » s’est imposée en Europe.
Le dressage classique, lui, y officie depuis des centaines d’années, dans l’humilité et le savoir-faire des coins de manège.
L’un s’attache à réfléchir sur le mental du cheval ; l’autre se préoccupe beaucoup de son corps.
Horsemanship, et dressage classique : en quoi sont-ils compatibles ?
Pourquoi mêler les deux approches pourrait former un combo gagnant pour votre cheval ?
Je vous propose quelques éléments de réponse.
Le Horsemanship descend de pratiques des plaines américaines, dans lesquelles quelques cowboys aguerris sont parvenus à comprendre beaucoup de choses sur nos amis chevaux.
Les fameux « chuchoteurs », ces hommes doués qui parvenaient à régler des problèmes insolubles pour de très nombreux professionnels, fascinent encore.
Leur utilisation du cheval est avant tout dans une optique de travail : les chevaux sont des outils indispensables dans des ranchs de centaines d’hectares et aux centaines de tête de bétail à gérer, dans des espaces infinis.
Leurs chevaux doivent être parfaitement éduqués, pour des raisons pragmatiques, mais également pour un besoin profond de sécurité.
De l’autre côté de l’Atlantique, la tradition équestre classique est un peu différente.
Si le cheval est également un outil pendant des siècles, puisqu’il transporte et nourrit les hommes grâce à sa force de traction, il est également un moyen indispensable de faire la guerre.
De sa fonction militaire, découlera la magie de la danse, et le cheval deviendra l’acteur d’un art nouveau : le dressage classique.
Loin de moi la volonté d’opposer l’équitation western de travail, du dressage classique artistique. Bien au contraire.
Les deux pratiques ont leurs défauts et leurs qualités.
De nos jours, l’immersion croissante du Horsemanship dans les pratiques équestres européennes prouve qu’un compromis est possible. Je dirais même que plus que possible, il devient un modèle en matière de respect du corps et de l’esprit du cheval.
Grande adepte du Natural Horsemanship de Pat Parelli, je m’en sers quotidiennement depuis quelques années.
J’y ai trouvé une richesse incroyable en matière d’enseignement au cheval.
En matière de compréhension de la psychologie équine, la méthode diffusée par les représentants du Horsemanship fait partie de ce qu’il se fait de mieux.
Cette approche me permet de comprendre la logique de mon cheval, ses réactions, ses besoins, ses désirs et ses motivations.
Elle me permet de prendre la place de mon cheval, un instant, pour mieux communiquer avec lui.
En bref, le Horsemanship est le prisme par excellence pour s’adresser à l’esprit de mon cheval.
Si je devais lui trouver des défauts – et il y en a quelques-uns, je soulignerai principalement que la méthode Parelli possède quelques lacunes en matière de respect de la locomotion et de la gymnastique du cheval. (LIEN ARTICLE)
D’un autre côté, je rêve inlassablement de communion sublimée par l’art équestre avec mon cheval.
Le dressage, cette danse splendide qui met en valeur la beauté innée du cheval, m’a toujours fascinée.
Combien de chevaux ont pu révéler un potentiel incroyable grâce à une gymnastique très bien pensée ?
En rétablissant une parfaite harmonie avec leur propre corps, ces chevaux trouvent un équilibre physique et mental splendide.
Tout est fluide, et on frôle de près le mythe du Centaure. Je ne cesse de m’émerveiller devant la capacité de certains cavaliers à révéler des merveilles chez leurs chevaux.
Depuis des siècles, des écuyers de génie se sont pris de passion pour le corps du cheval, et la façon idéale de l’entraîner. En découle une expertise inégalable.
Cependant, il y a quelques gros manques dans la pratique classique de l’équitation et du dressage – notamment, la capacité à comprendre ce dont le cheval a besoin et ce dont il a envie.
Les dresseurs classiques sont d’excellents entraîneurs de leurs chevaux, et savent tellement bien respecter leurs corps, qu’ils obtiennent généralement l’esprit également.
Toutefois, beaucoup d’écuyers basent l’enseignement qu’ils appliquent à leurs chevaux sur l’instinct et les pratiques perpétuées dans les écuries.
Peu savent vraiment comprendre le plus profond de la psychologie équine, et de cela découlent des dérives, dont celle d’avoir des chevaux souvent plus dans la réaction que dans la réponse actrice, réfléchie.
Vous voyez probablement où je veux en venir… Le Horsemanship est une expertise de l’esprit du cheval, le dressage classique, du corps. Présenté comme cela, on pourrait croire que ces deux pratiques sont opposées.
Ce n’est pas vraiment le cas. Les bons dresseurs ont une notion claire de confort et d’inconfort. Ils ne vous diront pas de maintenir des actions constantes sur les rênes, dans le bassin ou dans les jambes. Ils encourageront plutôt de prendre et de rendre immédiatement, d’aller vers plus d’autonomie du cheval.
Un bon dresseur classique a bien conscience qu’il se dirige vers le plus de descente des aides possible ; pour atteindre le Graal ultime : la légèreté absolue.
Le dressage a pour délicate ambition d’obtenir de la relaxation dans la tonicité. Quelle difficile tâche !
Étonnamment, c’est exactement ce que les Horsemen recherchent : un cheval calme, qui réagit très finement à la moindre sollicitation, dans la relaxation.
Les objectifs sont différents, certes, mais la finalité est tout à fait comparable.
Légèreté, fluidité, facilité : les deux pratiques s’évertuent à rendre les chevaux disponibles, positifs, et calmes. Parfois, leurs moyens différeront. Dans l’ensemble, beaucoup de choses se rejoignent : les dresseurs savent qu’on fait trotter longtemps sur des cercles un cheval chaud ; tandis qu’on multiplie les transitions pour le cheval froid.
Les Horsemen, eux, ont une bonne conscience de l’équilibre du cheval, puisqu’ils jouent sans cesse avec, car la maniabilité est une notion-clé de leur travail quotidien.
In fine, ces deux approches sont non seulement compatibles, mais surtout complémentaires. Alliées, elles recensent l’ensemble des éléments indispensables pour avoir un cheval bien dans son corps, et dans sa tête.
Au cavalier d’avoir l’intelligence et la finesse de prendre du meilleur de chaque monde, afin de créer l’approche unique qui correspondra le mieux à son cheval.
A un niveau avancé, c’est sûrement vrai.
Pour un cavalier moins doué ou moins entraîné, il reste déconcertant, de passer de la leçon où on demande de « tendre » le cheval avec des rênes ajustées au free style de Parelli.
A ce sentiment de confusion s’ajoute une vague mauvaise conscience : est ce que je ne vais pas finir par lui faire mal au dos à force de négliger l’incurvation et le fameux « postérieur sous la masse » ?
Article tout à fait remarquable par sa précision synthétique. Vraiment bravo.