Les écuyers et la technique équestre
Pourquoi les écuyers écrivent très peu sur la technique ?
Quand on lit leurs livres, la plupart du temps, on est très déçu ; il y a très peu de techniques.
Pour comprendre leurs techniques, on doit lire leurs disciples, mais généralement pas eux-mêmes.
C’est frustrant et je vais vous expliquer pourquoi c’est comme ça.
Cette question m’a beaucoup travaillée, parce que quand j’ai découvert les grands écuyers anciens, j’étais comme un gamin qui avait un nouveau jouet et je voulais apprendre toutes les techniques qui faisaient leur succès.
Je voulais absolument comprendre comment ils faisaient, quelles techniques ils utilisaient.
Quand j’ai découvert Beudant, la plupart de ses techniques tenaient en trois lignes. Incompréhensible. Des techniques exceptionnelles expliquées en trois lignes.
Je vais prendre l’exemple de celle que je connais par cœur parce que je travaille actuellement dessus ; c’est le galop sur trois jambes. C’est assez exceptionnel.
Eh bien, pour Beudant, ce n’était pas exceptionnel du tout.
Il dit : vous mettez votre cheval à l’arrêt. Vous lui faites lever un antérieur. Vous faites une foulée de galop. Vous arrêtez. Vous refaites lever l’antérieur. Vous refaites une foulée de galop. Vous arrêtez, …
Voilà c’est tout, il a fini. Ça paraît extrêmement simple et pourtant, c’est extrêmement complexe à réaliser en pratique.
Alors pourquoi ça ?
On pourrait se dire ; peut-être que les écuyers ne se rappellent plus comment ils ont fait pour apprendre, mais ce n’est pas tout à fait vrai puisque ces écuyers-là, à part Beudant, enseignaient.
Oliveira enseignait, il savait exactement comment faire au niveau technique et pourtant, il ne voulait pas développer ça dans ses livres.
Pourquoi ? Parce qu’en fait, il y a des choses beaucoup plus importantes que la technique, et ces choses plus importantes, c’est :
la connexion qu’ils avaient établie avec leur cheval.
C’est ça en fait qui compte. C’est-à-dire qu’une fois que votre cheval est bien connecté à vous, vous pouvez lui demander absolument n’importe quoi, même des choses qui sont contre nature, il pourra vous le faire.
Mais tant qu’il n’est pas connecté correctement, vous pourrez utiliser toutes les techniques du monde, ça ne marchera jamais et vous n’obtiendrez rien.
Parce que ce qu’il faut d’abord obtenir, c’est cette connexion, cette envie du cheval de faire plaisir, c’est la compréhension entre l’écuyer et le cheval, sans avoir besoin de parler, de faire de gestes, sans avoir besoin d’agir.
Et à partir de là, ils n’agissent plus pour obtenir les exercices.
Alors bien sûr, ça ne supprime pas le travail, ça n’empêche pas la nécessaire répétition, l’éducation du cheval. Mais la connexion, qu’ils appelaient le tact, est vraiment extrêmement importante.
Le tact, je ne comprenais pas du tout ce que c’était finalement. Pour moi, c’était agir au bon moment, mais je trouve ça complètement artificiel.
Parce que Beudant le dit lui- même ; je n’ai jamais compris quand il faut faire les demandes, donc je ne m’occupe pas de ça.
Cette phrase m’a beaucoup marqué. Je me suis dit ; effectivement, si Beudant était capable de faire tout ce qu’il faisait sans s’occuper du moment exact où il allait demander, c’est donc qu’on se fourvoie quand on se focalise sur la technique et qu’il faut d’abord chercher à avoir la connexion la plus importante possible avec notre cheval. Et à ce moment-là, le cheval nous fait extrêmement confiance, il accepte de sortir de sa zone de confort, de faire des choses qu’il ne ferait pour personne d’autre. Et à partir de là, tout est possible.
Et on le voit pour les grands cavaliers d’ailleurs, ou même les artistes de spectacle qui peuvent envoyer leurs chevaux dans le feu parce que leurs chevaux leur font confiance.
Je pense notamment à Mario Luraschi qui fait sauter un cheval en plein galop dans une barque. Il a réussi ça parce qu’il a créé cette confiance, cette connexion avec ses chevaux, et c’est ça qui est le plus important.
Ce n’est pas de dire ; on va arriver plein galop, lui cacher la barque et voilà… Non, le cheval, on ne lui cache rien du tout, il sait ce qu’il va faire.
Le cheval, on lui dit : « tu vas sauter dans la barque, fais-moi confiance, tout va bien se passer« .
Et comme le cheval est très en confiance, comme il a de bonnes expériences, il accepte de le faire. Mais ça demande un relationnel avec le cheval absolument énorme et c’est ça qu’il faut travailler.
Ce n’est jamais la technique en premier.
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C’est juste mais pour établir la connexion il est pour moi nécessaire d avoir été mis sur la voie du travail juste par un bon instructeur. Beudant est un artiste mais il se réfère à Faverot et l’on peut se demander si Beudant aurait pu progresser sans Faverot.
Le ressenti est essentiel mais il ne s invente pas sauf à être un genie. Tous les grands écuyers sont des héritiers qui ont su potentialiser le leg reçu par leur progression personnelle. Ainsi La Gueriniere héritier équestre de son maître La Vallée fait de l epaule en dedans la pierre de touche de la préparation au rassembler ce que n avait pas perçu ses predecesseurs même s’ils pratiquaient déjà cet exercice. Le génie propre de la Gueriniere est d avoir perçu que les chevaux se plaisent dans leur air et qu’ils manient par eux mêmes. Alors oui c’est la connexion l essentiel cad une forme d harmonie dans laquelle le cheval accepte d entrer. Mais cette intimité entre un cavalier et son cheval ne procède pas d’elle même elle ne peut que se construire dans une continuité de transmission une chaîne dont chacun est un maillon.