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L'approche-retrait baguette magique de l'équitation

Si le bauchérisme est l’antibiotique de l’équitation et l’épaule en dedans l’aspirine alors je qualifierais l’approche-retrait de baguette magique.

L’approche-retrait, c’est selon moi la notion la plus importante de l’équitation en ce qui concerne la relation avec les chevaux.

Bien sûr, en dehors de l’équitation éthologique et un peu de l’équitation de tradition française, elle n’est pas enseignée. Vous vous en doutez bien.

Pourtant, la plupart des mauvaises expériences que nous vivons avec nos chevaux ont pour origine un non-respect de ce concept.

Nos peurs, nos échecs et une grande partie de nos accidents proviennent de ça.

On peut même rajouter que c’est une des causes d’abandon de l’équitation par les adultes.

Là, je vais faire un aparté qui me semble essentiel.

Les neurosciences ont démontré que les expériences négatives vont systématiquement dans la mémoire dite implicite, c’est-à-dire à très long terme.

Alors que les expériences positives elles, vont dans la mémoire explicite c’est-à-dire la mémoire tampon.

D’ailleurs, on peut penser que pour les chevaux, qui comme chacun sait ont une grande mémoire, c’est la même chose.

Vous voyez donc le danger des expériences négatives.

Ne faut-il pas tout faire pour les éviter ?

Nous avons besoin paraît-il de cinq expériences positives pour compenser une seule expérience négative.

Savez-vous par exemple comment s’entraînent les jeunes tennismen russes au célèbre (et miteux) centre d’entrainement de Spartak près de Moscou ?

Et bien ils passent des heures à imiter les grands champions avec une balle et une raquette imaginaire.

Pourquoi ? Pour éviter à tout prix les expériences négatives.

Ainsi dans leur tête, ils n’ont que des coups réussis.

En équitation on fait l’inverse. On fait monter les gens sans préparation et advienne que pourra.

Avec l’approche-retrait, tout devient plus facile, naturel et quasiment sans danger.

Mais l’approche-retrait a de multiples facettes.

Tout d’abord, il faut bien comprendre que les chevaux détestent sortir de leur zone de confort. Ce sont des animaux d’habitude.

Je pense que vous l’avez remarqué ; ils ne brillent généralement pas par leur courage à affronter des situations inconnues.

On le voit bien quand on veut leur faire faire des choses pour la première fois ; les monter dans le van ou les amener dans un nouvel endroit par exemple.

Pourtant nous humains, ne sommes généralement guère mieux. Qui se ressemblent s’assemblent.

Nous avons comme les chevaux des comportements excessifs.

De deux choses l’une :

  • ou nous nous jetons à l’eau d’un seul coup
  • ou nous restons dans notre confort

Dans les deux cas c’est de l’évitement.

Tout le problème vient que nous avons tenté de sauter du plongeoir de 6 m alors que nous n’avions quasiment jamais plongé auparavant et que nous savons à peine nager.

Tout cela parce que les autres le font et que nous copions toujours les autres.

C’est notre façon naturelle de fonctionner qui peut être très efficace si l’on étudie à fond cette technique mais qui a également des effets pervers redoutables notamment en équitation.

De ce fait, beaucoup d’entre nous allons nous contenter de « perfectionner les choses simples ». Façon élégante de ne plus sortir de notre zone de confort.

D’autres vont simplement abandonner l’équitation qui leur paraîtra trop compliquée.

Comment pourrait-il en être autrement puisque nous ne sommes pas formés ?

D’autres encore vont prendre des risques inconsidérés jusqu’à l’accident.

Le problème c’est que l’on veut copier ceux qui réussissent sans respecter les étapes qui permettent d’y arriver.

L’approche-retrait est une technique de l’équitation éthologique mais elle existe également dans l’équitation de tradition française ;

  • « demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup » François Baucher.
  • « se contenter d’un petit progrès chaque jour, l’exiger, mais pas plus » Général l’Hotte.

C’est le moyen de dialogue que les chevaux comprennent le mieux, celui qui les motive le plus, qui les rassure et les calme.

Ils adorent ça.

Si je ne devais garder qu’une chose dans ma pratique de l’équitation, ce serait celle-là tellement elle est puissante et permet de créer une relation solide avec ses chevaux.

En fait tous nos problèmes viennent que nous n’y sommes pas allé pas à pas, que nous n’avons pas assez décomposé nos exercices, que nous sommes sortis trop loin de notre zone de confort.

Cette technique s’applique à tous les stades de l’éducation des chevaux :

  • en liberté ; avancer puis reculer
  • pour l’attraper ; Attrapez votre cheval puis relâchez le
  • pour le toucher ; touchez puis relâchez
  • dans le box ; approcher, reculer
  • en main ; avancer, reculer
  • pour aborder les chevaux dangereux
  • pour les exposer à un risque, au bruit, odeurs, objets (parapluie, poubelle, sac plastique, obstacles, etc)
  • monter dans le van ; monter un pied et reculer, etc.
  • en longe
  • au montoir …

En fait ça s’applique à tout.

Dans le travail sur le plat :

  • les aides, « prendre et rendre » pour les mains. Idem pour les jambes
  • changements d’attitude
  • fractionnement du travail
  • travail sur les cercles
  • alterner droit et incurvé

Dans le travail à l’obstacle. Par exemple, baisser les barres pour un dernier passage facile après avoir demandé des efforts.

Beaucoup de cavaliers de saut d’obstacles le font. Je ne comprenais pas bien pourquoi c’était à ce point important car personne ne me l’avait expliqué clairement comme tous les concepts essentiels de l’équitation d’ailleurs.

dans les techniques :

  • le renforcement négatif, c’est de l’approche-retrait
  • réprobation approbation
  • céder avant que le cheval ne cède

Maintenant faisons un exercice :

Recherchez quelque chose que vous n’arrivez pas à faire avec votre cheval :

  • soit parce que vous êtes bloqué psychologiquement
  • soit parce que c’est votre cheval qui est bloqué

Décomposez l’exercice que vous voulez réussir en toutes petites étapes presque insignifiantes pour vous et pour votre cheval.

Dès que vous avez réussi la première petite étape, revenez immédiatement en arrière.

N’écoutez pas ceux qui vous poussent à aller plus loin tout de suite sous prétexte que ça se passe bien. Vous le payerez plus tard.

D’ailleurs, faites de préférence cet exercice seul à votre rythme et dans le calme. Sauf bien sûr si la présence d’une autre personne vous rassure.

Personnellement, je suis tellement plus détendu lorsque je travaille seul. Je n’ai aucune pression. Je m’autorise à faire des erreurs. Je prends mon temps.

Ensuite, faites une étape un peu plus grande, mais toujours en revenant en arrière.

Pour illustrer mes propos, je vais prendre un exemple d’un cas concret qui m’a été soumis par une de mes lectrices.

La peur de pratiquer l’équitation, peur très fréquente chez les adultes qui ont vécu de mauvaises expériences.

Dans ce cas, la méthode est simple :

  1. montez à l’arrêt quelques secondes, respirez, puis descendez
  2. respirez, soufflez, reprenez vos esprits puis remontez
  3. si ça se passe bien marchez au pas quelques mètres. Sinon redescendez.

Surtout ne brûlez pas les étapes, c’est tellement tentant.

Allez-y à votre rythme.

  1. ensuite, faite un tour complet au pas puis arrêtez-vous et redescendez.

C’est très important également pour votre cheval. Descendre n’est pas un déshonneur.

Cela fait partie de l’exercice. D’ailleurs monter et descendre, c’est de l’approche-retrait.

Il faut énormément descendre et remonter quand on veut éduquer un cheval et/ou un cavalier. C’est la base de ma méthode.

Ce n’est pas parce que personne ne le fait que vous ne devez pas essayer.

Ceux qui sont adeptes de mon travail fractionné en comprennent maintenant tous les bienfaits.

Ici, je vous rappelle l’importance du marchepied et/ou d’apprendre à monter des deux côtés du cheval. C’est essentiel.

Cette méthode éduque à la fois les chevaux et les cavaliers par la répétition à réaliser un exercice, le montoir, qui n’est pas des plus facile et que beaucoup occultent en montant de façon plus ou moins acrobatique.

De plus, monter et descendre nous fait faire du sport.

  1. une fois que vous êtes à l’aise au pas, essayez quelques foulées de trot puis un tour complet. Toujours un seul tour puis repassez au pas. Si ça ne va pas redescendez et reprenez vos esprits.

Cette méthode vous paraîtra peut-être fastidieuse mais malgré tout ce qu’on pourra vous dire, c’est la seule qui vous donnera des résultats solides et durables.

Bien sûr, la vitesse de progression dépend de votre propre évolution mais surtout ne brûlez pas les étapes.

Je vais prendre maintenant un exemple personnel.

La semaine dernière ma jument de trait qui commence à sortir en extérieur ne voulait pas passer sur un petit pont au dessus d’une rivière.

Il s’agit d’un exercice difficile lors des premières sorties.

1. je l’ai donc immobilisé. C’est-à-dire que je l’ai empêché de faire demi-tour et je l’ai obligé à regarder le pont et l’eau qui coulait dessous.

2. j’ai déplacé ses épaules de côté pour essayer de la faire avancer mais sans résultat. Je rappelle que je n’utilise pas de cravache donc je n’avais aucun moyen de la faire avancer.

3. je suis donc descendu (sacrilège) et nous avons avancé d’un mètre seulement puis j’ai attendu quelques instants avant de remonter.

4. je suis remonté et elle a accepté d’avancer sur le pont progressivement. Le simple fait de la rapprocher d’un mètre et de lui montrer à pied que je ne craignais pas ce pont a suffi à lui donner confiance et à la faire passer.

Bien sûr avec un cheval plus dans le sang, ça n’aurait surement pas été aussi facile à faire, notamment le fait de remonter, mais le principe reste le même ; dédramatiser la situation, ne pas se battre, ne pas être violent sont les bases d’une relation de confiance. Faire appel à la réflexion du cheval plutôt qu’à ses réflexes.

L’évitement amène un besoin de sécurité. Après la sécurité vient la recherche de l’encouragement. Puis ensuite seulement vient la connexion.

Ce sont des principes de base des neurosciences mais qui s’appliquent exactement aux chevaux.

Tout ce que j’ai fait était de l’empêcher de faire demi-tour mais je lui ai laissé le temps de regarder.

Temps total de réalisation du passage : moins de 5 mn

Pas de quoi fouetter un chat et tout s’est passé dans le calme et la confiance.

Lorsque nous avons rencontré un deuxième pont au retour elle l’a franchi quasiment sans faire de cas.

Et vous ? Racontez-moi une histoire où vous avez réussi ou échoué dans un exercice en prenant votre temps ou en allant trop vite.

Ça me permettra d’affiner ma méthode. Je progresse grâce à vous.

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Je suis Laurent Fumet auteur du livre « 41 mensonges équestres qui vous empêchent de progresser« . J’aide les cavaliers qui travaillent seuls à avoir un cheval heureux et motivé pour pratiquer une équitation sans contrainte grâce à la méthode des 3P (Physique, Psychique, Pratique) car je pense que rien n’est plus important que la compréhension du cheval.

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